Date de péremption pour humains actifs

On en parle non-stop depuis quelques jours : Benoît XVI, pape, a donné sa « démission ». Ce geste, inédit dans l’histoire depuis plusieurs siècles, rouvre un débat : jusqu’à quel âge devrait-on exercer ? Est-ce à nous de dire « je raccroche » ou est-ce à la société de mettre sur le banc de touche de la vie active les personnes ayant un âge très avancé ?

Un âge de « raison » ?                

Une retraite à 62, 63, 65 ou 66 ans, c’est bien… Mais c’est plus une question d’assurances sociales qu’une réelle mise en retraite. Si une personne veut absolument continuer à rester active, rien, fondamentalement ne l’en empêche.

A l’inverse aussi, de plus en plus de personnes en âge de retraite se voient obligées de continuer à travailler à cause d’un manque d’argent. Là se pose aussi la question du type d’activité : un individu ayant un travail très physique sera certainement moins enclin à perdurer au-delà de l’âge légal de perception de la rente AVS. Tout simplement car à un moment donné, le corps à de la peine à suivre, même si l’esprit reste vif.

Benedetto XVI, ou Benoît seize pour les plus francophones, se retire à 85 ans. Un âge très noble pour se retirer et pour un humain, c’est un bel âge… Vu les échelons à franchir dans la chrétienté pour arriver Cardinal, il est presque impossible d’être « papable » avant la soixantaine… Car oui, en pratique, nous n’avons vu que des cardinaux être élus papes  depuis quelques décennies, bien que la théorie autorise tout prêtre qui récolte une majorité à devenir Pape. Il faut savoir aussi que les cardinaux électeurs ne peuvent être âgés de plus de quatre-vingt ans lors du début du conclave ! Un moyen de s’assurer que les votants possèdent toutes leurs facultés ?

Hors église…

Savoir se retirer est parfois d’une sagesse immense. On pourrait se dire, que finalement, tout le monde est libre de faire ce qu’il veut. Du coup, qu’un individu ayant passé l’âge de la retraite s’entiche à vouloir continuer son travail car c’est la passion de sa vie, cela n’aurait finalement pas beaucoup d’impact sur la société. Ça peut être vrai, mais cela peut aussi être totalement erroné : prenons l’exemple d’un indépendant. Il est certain que la portée de son travail ne va pas au-delà d’une ville ou d’un canton. On peut donc se dire que tout dépend du degré de satisfaction de sa clientèle ; si elle continue à l’engager, il n’y a pour lui aucune raison de s’arrêter s’il n’en ressent pas le besoin.

En revanche, si l’on prend l’exemple d’un homme d’esprit, d’un politicien ou d’un directeur d’une grande entreprise, le rayon de portée de ses actions va bien au-delà. Ainsi, arrivé à un âge largement raisonnable, s’il s’avérait qu’il ne puisse plus exercer avec raison, on pourrait voir quelques catastrophes arriver… 

L’expérience face à l’âge

Un des points les plus importants, c’est peut-être lorsque se mettent en balance l’expérience de la vie d’un Homme face à son âge avancé. Un âge avancé implique forcément qu’une partie des contextes sociaux actuels nous dépassent. On ne comprend plus les jeunes, on n’arrive plus à suivre l’évolution technologique, ni celle des mentalités : on est dépassé. Et lorsqu’on arrive à ce point, on peut se dire qu’il faut peut-être laisser la main car malgré toute l’expérience professionnelle, l’expérience de vie ou politique, il arrive un moment où on ne saura plus avoir en ligne de mire le bien de son prochain, car si on ne peut le comprendre, comment savoir ce qui va pouvoir le servir ou au contraire éviter de le mettre dans un embarras ?

Ainsi, lorsque le pape s’en vient à se retirer à 85 ans, je me dis qu’il s’en va trop tard… A cet âge-là, beaucoup sont très lucides. Mais lorsque l’on porte sur ses épaules le message d’une communauté, la chrétienté, on ne peut, selon moi, pas se permettre de ne pas être au top. Un message mal formulé, des paroles qui dérivent un peu et les conséquences pourraient être dramatiques.

C’est pourquoi je ne peux qu’encourager les anciens, avec tout le respect que nous leur devons, à nous laisser la place, à nous faire confiance à nous, les jeunes. Certes nous n’aurons pas d’entrée les trente années d’expériences qu’ils ont, eux. Certes nous n’aurons pas la même vision du monde qu’eux après une vie passée sur la planète, mais savent-ils ce que nous voulons faire de cette planète ? Comment peut-on décider du futur quand on sait qu’on n’en fera pas partie ? L’histoire prouve chaque jour que l’Homme est bien plus égoïste qu’altruiste. Ainsi, je pense qu’il devrait y avoir un âge de retraite « forcé » pour les personnalités politiques, pour les « grands » de ce monde, qui dirigent un état, une province ou une grande entreprise. Afin que le futur puisse protéger ses intérêts.

Mais une fois de plus, la pratique nous prouve le contraire : seuls les « vieux » votent aujourd’hui... La jeunesse se plaint de ne pas être écoutée, elle se rebelle dans son coin et brûle des voitures (cliché absolu, mais néanmoins quelques peu réaliste…) mais n’ira pour rien au monde voter, car « ça ne changerait rien ».

C’est à rien y comprendre.

Romain Wanner, rédacteur en chef des Tribunes Romandes

Copyright 2013- Tous droits réservés- TRIBUNES ROMANDES

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Pascal Kotté (25.09.2015 (01:17:01))
Cher Romain, effectivement, je constate que les jeunes semblent lobotomisés par la société de consommation. Alors que les aînés se bougent pour défendre l'avenir de leurs propres petits enfants: cf. www.GPclimat.ch le mouvement des Grands-parents pour le Climat.
Ils savent qu'ils ne seront plus de ce monde. Mais à la retraite "enfin": Se mettent à lire, découvrir, et terrifié par ce qu'ils ont fait, dans l'aveuglement d'une humanité absurde, qui marche sur la tête au son des spéculation s financières, ils veulent "réparer" ou du moins "limiter" les dégâts.
Chers "jeunes", qui mettez vos vieux à l'écart, n'oubliez pas que les vieux ont déjà fait beaucoup d'erreurs. Ils peuvent vous aider à éviter de refaire les mêmes. Mais encore faut-il refaire une société empathique, unie, solidaire et non tournée sur l’individu seul, les yeux rivés sur son i(moi)Phone !
Vous deviendrez vieux vous aussi, je vous le souhaite, mais c’est ensemble qu’il faut bâtir un avenir à nos descendants.
Estelle LE TOUZE (25.09.2015 (09:54:36))
Ah ! Romain. Rien n'est simple en ce bas monde !
Remiser les vieux et laisser la place aux jeunes dans tous les points de commandement, tous les points de décisions car "Comment peut-on décider du futur quand on sait qu’on n’en fera pas partie ?
Mon cher Romain, si je vous suis totalement sur la nécessité de ne pas s'installer dans la place et de s'y arc-bouter jusqu'à plus soif, je conteste formellement le critère d'âge que vous voulez donner pour limiter ces situations que vous jugez préjudiciab le pour la construction du monde de demain. Car que dire de politiciens ayant débuté leur carrière vers 25 ans (souvent grâce à leurs parents) et encore en poste 20-30 ans après ? Ne pensez-vous pas que le point faible est là ? Faut-il donc limiter l'accès à un mandat politique à un sexagénaire fort de son expérience de vie (sociale, professionnelle , etc...) et laisser un "vieux jeune politicien" installé dans les ors de la République depuis plus de 20 ans ?
Estelle LE TOUZE (25.09.2015 (10:00:58))
Vous dites aussi : "La jeunesse se plaint de ne pas être écoutée, elle se rebelle dans son coin ... mais n’ira pour rien au monde voter, car « ça ne changerait rien ».
Raccourci tout aussi hâtif, me semble-t-il. Si "les jeunes" vont moins voter, les plus vieux aussi. Mais ils inventent d'autres formes de participation à la Cité, tant sur le plan de l'entreprise (les innovations du web sont conduites exclusivement par "des jeunes") que sur le terrain social avec la mise en mouvement de nouvelles formes de sociabilité et d'engagement. Peut-être ne pas s'enfermer dans des catégories sociales étanches avec un regard homogène sur LES vieux, LES jeunes, LES femmes, LES politiques & oser entrer dans la complexité. Vous y comprendriez au moins quelques bribes et surtout vous gagneriez en espérance. Nous pouvons vous aider à construire votre futur, ne le refusez pas. C'est dans cet objectif que se sont créés les mouvements GRANDS PARENTS POUR LE CLIMAT par ex. En toute amitié générationne lle
Pascal Kotté (26.09.2015 (00:07:30))
Une des premières leçons que des anciens, comme Pierre RHABI pourra vous apporter cher Romain,
c'est que cette Planète ne vous appartient pas ! Ni aux jeunes, ni aux vieux. C'est nous qui lui appartenons, et nous en sommes totalement dépendants .
Comme dit la formule de GPclim.ch: "Nous n'héritons pas de la Terre de nos ancêtres, mais l'empruntons à nos enfants".

Je te confirme que nous ne savons pas "ce que vous voudriez faire de cette planète", mais nous savons, ce que vous "devriez en faire", même s'il nous a fallu 50 ans de vie ou plus, pour le découvrir, et en consommer 3 fois plus qu'il l'eu fallu.

Certains, plus doués que les autres, le découvrent à 20 ans (comme Pierre Rhabi), et d'autres à 29 ans, comme Marc (http://www.enquetedesens-lefilm.com/). Nous avons rencontré un grand nombre de jeunes formidables comme Marc, à Alternatiba Léman, et qui iront voter.
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